mardi 8 juin 2010

CE N’ÉTAIT PAS L’HEURE


C’était le vendredi 21 mai 2010,[1] un peu avant 18 heures.
Il y avait affluence dans le métro
Les usagers qu’il m’est déjà arrivé de décrire[2]changent peu.
Des mines froissées.
Des femelles et des mâles se tripotaient et s’introduisaient mutuellement la langue dans la bouche.[3]
D’autres femelles, sorties de ghettos,[4] des « beurettes »,[5] dites « émancipées et libérées » riaient bruyamment, s’esclaffaient, répandaient la vulgarité, usaient d’un langage corporel invitant à la débauche et se montraient « fières » d’être impudiques.[6]
Des culs étaient collés à des sexes.
Des mains étaient prises entre des fesses.
C’était l’heure de pointe.
Celles et ceux qui voulaient monter à l’arrêt, coinçaient ceux et celles qui voulaient descendre.
Les émanations variées, les secousses multiples, le bruit de la machine et autres étaient au rendez-vous.
À chaque arrêt, des affiches le long du quai étalaient la femelle-modèle, en objet sexuel, support pour tout vendre dans la société de con-sommation.[7]
Instant de répit ?
Songe ?
Vision ?
Une femme en habit long et foulard,[8] discutait avec un homme barbu.
Échanges sur Soumayya.[9]
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Soudain, les vibrations du téléphone.
Un appel sur le portable de mon épouse :
Ma sœur installée en région parisienne nous informait que mon frère qui était hospitalisé quelques jours auparavant suite à un infarctus au Mghrib,[10]venait de faire un malaise.
Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, les secours y étaient encore : des pompiers et une équipe du SMUR.[11]
Une dizaine de personnes à qui il ne fallait surtout pas poser de questions.[12]
Nous avons pu apprendre toutefois que mon frère était conscient, mais nous ne pouvions pas le voir.
Nous avons été obligés de rester sur le trottoir, devant la résidence où il se trouvait.
Au bout de plus d’une heure, il a été sorti sur un brancard.
Il a pu me demander de ne pas téléphoner à sa mère.[13]
Le médecin a fini par nous faire savoir qu’il soupçonnait un AVC[14] et que le malade allait être emmené à l’hôpital où il était quelques jours auparavant, même si cet hôpital n’était pas tout près.
Il n’a pas ajouté que l’établissement auquel il voulait le « livrer », a refusé[15] de le « réceptionner ».[16]
Après le départ des pompiers, le véhicule du SMUR a pris la direction de l’hôpital.
Un moment plus tard, avec un frère qui venait de nous rejoindre[17] et un neveu[18] étudiant en médecine, nous nous sommes présentés au service des urgences qui nous a envoyé au service de réanimation.
Il nous a été dit que le malade était dans un autre service pour un scanner.[19]
Il fallait rester dans la salle d’attente jusqu’à ce qu’« on » vienne nous chercher.
Sans nouvelles, nous nous manifestions pour nous entendre dire plusieurs fois que le scanner n’était pas encore fait.
Il fallait toujours attendre.
Mon neveu a pris les choses en main en allant à la recherche de son oncle maternel dans les divers services.
Il a fini par le trouver dans un couloir[20] comme plusieurs autres personnes ramenées au service des urgences et surtout par savoir qu’« on » lui avait fait l’IRM[21] et qu’il n’y avait rien d’inquiétant au niveau du cerveau.
Alhamdou lillah.[22]
Son malaise provenait, paraît-il, d’une sorte de « fatigue nerveuse ».
En me voyant, il m’a tout de suite annoncé que ce n’était pas l’heure.[23]
Je lui ai dit de remercier Allah.
Il avait l’air excité et utilisait sans arrêt le téléphone portable.
En le regardant, je n’arrivais pas à savoir ce qu’il sentait profondément.
D’ailleurs, je ne peux pas savoir ce quelqu’un sent profondément.
Allah Seul connaît l’intimité des cœurs.
Sur un brancard à côté de lui, une femme âgée, inquiète, répétait qu’elle voulait rentrer « chez elle ».
Elle ne comprenait pas pourquoi elle était dans ces lieux.
En m’approchant, j’avais essayé de communiquer avec elle pour la détendre.
Je voulais l’aider à se sentir mieux.
Elle avait souri.
Sourire d’inquiétude apaisée ?
En mon fort intérieur, je l’espérais.
Au bout d’un petit moment cependant, elle avait recommencé à répéter qu’elle voulait rentrer « chez elle ».
Qu’est-ce qui l’inquiétait ?
Comment vaincre son désarroi ?
Arrivée un instant après, une infirmière avait immédiatement cherché à savoir si j’étais un membre de la famille.
Ayant appris que non, elle m’avait signifié par son regard, que je n’avais rien à faire auprès de la vieille femme.
Le médecin a décidé de garder mon frère à l’hôpital au service de neurologie.[24]
Lorsque nous l’avons quitté, il était presque vingt deux heures.
Il était toujours dans le couloir.
Nous nous sommes revus plusieurs fois durant cette deuxième hospitalisation.
Il m’a beaucoup parlé.
Il est revenu sur des épisodes du parcours de notre père.[25]
Sur le moment[26] où ce dernier a rejoint l’au-delà.
Du temps s’est écoulé.
L’hospitalisation a pris fin.
Mon frère m’a appelé le mercredi 02 juin pour me demander un numéro de téléphone.
En l’interrogeant, j’ai appris qu’il allait repartir au Mghrib[27] le lundi 07 du même mois.
Dans une voiture qu’il venait d’acheter.
Avec quelqu’un enrôlé comme conducteur.
Plaisir de faire n’importe quoi ?
Incapacité à évaluer le danger ?
Refus de toute écoute ?
Recherche de la provocation ?
Désir de dépasser les limites ?
Goût de la transgression ?
Mépris des contraintes ?
Confusion ?
Fuite ?
Dénégation ?
Esprit suicidaire ?
Je ne l’ai pas revu depuis le samedi 29 mai,[28] après le dîner chez une cousine[29] installée dans un appartement que j’ai connu lorsque j’étais étudiant.[30]


BOUAZZA




[1] Selon le calendrier dit Grégorien.
[2] Se reporter à mon texte intitulé « Ainsi parle un Musulman de France né au Maroc », p. 127à 134, daté de 1992, et à un autre texte intitulé « Urbi et orbi ».
[3] Il arrive que des femelles et des mâles de ce genre regagnent « le domicile con-jugal », retrouvent l’époux ou l’épouse, des enfants à « éduquer », cul-tivent la « fidélité » et l’« assistance » au con-joint ou à la conne-jointe (proclamation faite le jour du mariage), parlent d’« amour » et jouent à la « famille ».
[4] « Cités de banlieue » où sont parquées en majorité des populations originaires d’Afrique du Nord et du reste de l’Afrique, issues du processus migratoire de « l’indépendance dans l’interdépendance ».
Certaines personnes provenant de ces « cités » dites de rebut, de désagrégation, de décomposition et de trafics multiples, sont prêtes à tout pour s’installer ailleurs, mais n’arrivent pas à se départir de leur tendance à transformer les endroits où elles s’établissent en dépotoirs.
Pour ne pas admettre cette déviance et d’autres qu’elles refusent de corriger, elles ne cessent de disserter sur le clinquant, de s’embourber dans le bavardage ostentatoire, de s’attribuer des qualités qu’elles n’ont pas, de recourir à la manipulation et d’user de n’importe quel artifice afin de mieux se servir de ceux et de celles qui se laissent entuber.
Se reporter à mon texte intitulé « Se reconstruire ».
[5] Dans la guerre livrée à l’Islaam, les vocables « beurs » au masculin, « beurettes » au féminin, supposés vouloir dire « arabes » en verlan et « musulmans » en islamophobie, traduisent le mépris des mots musulmans et arabes.
Se reporter à mon texte intitulé « Des maux ».
[6] Les adeptes de « l’intégmilation » (intégration et assimilation) brandissent les « beurettes » impudiques comme intégmilées et soulignent la réussite de « l’émancipation et de la libération ».
Se reporter à mon texte intitulé « Intégmilation ».
[7] S’écrit aussi consommation.
[8] Face aux agressions de toute sorte, avec des dénonciations enragées de ce « signe de l’aliénation » comme l’appellent les ennemis d’Allaah, des croyantes continuent la Résistance et font de leur mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
[9] Résistante de l’Islaam au début de la Mission de Mohammad bénédiction et paix sur lui, ultime Envoyé d’Allaah.
Elle a été assassinée après d’horribles tortures.
C’est la mère, la sœur, la fille des croyants et des croyantes dont beaucoup, ici et ailleurs, sont injuriés, humiliés, torturés, enfermés, pourchassés, liquidés parce qu’ils font de leur mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
Son époux a également été torturé et assassiné.
L’un de leurs fils a été soumis à de terribles supplices.
Qu’Allaah les agrée et les couvre de Sa Miséricorde.
« Et ne dites pas de ceux qui sont tués dans le chemin d’Allaah qu’ils sont morts. Ils sont plutôt vivants, mais vous ne le sentez point ».
Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2), Albaqara, La Vache, aayate 154 (verset 154).
Se reporter à mon texte intitulé « Soumayya ».
[10] Maroc.
[11] Service Mobile d’Urgence et de Réanimation.
[12] Informer les membres de la famille les gêne dans l’accomplissement de leur tâche.
[13] Pour ne pas l’affoler.
[14] Accident Vasculaire Cérébral.
Un de mes frères âgé aujourd’hui de plus de 56 ans (le fils aîné de ma belle-mère), en a fait un au mois de juin 2009 qui, heureusement, n’a pas laissé de séquelles.
[15] Pour des raisons que j’ignore.
[16] Nous avons réclamé qu’il soit dirigé vers cet hôpital qui dispose de son dossier médical (ma sœur a remis une copie des pièces principales de ce dossier à la doctoresse de l’équipe du SMUR).
[17] Suite à l’information que je lui ai communiquée.
[18] Qui était sur place depuis le début du malaise.
[19] Dit aussi tomodensitométrie et qui permet de détecter des anomalies que la radiographie classique ou l’échographie ne permettent pas de détecter.
[20] Parce qu’il n’y avait pas de lit disponible.
[21] Imagerie par Résonance Magnétique.
[22] La Louange est à Dieu.
[23] De la fin de sa route ici-bas.
[24] Au service de « réanimation », le « personnel » doit croire, encore aujourd’hui, que nous sommes toujours en train d’attendre que quelqu’un vienne nous « informer » !
[25] Pendant les quelques années passées au Mghrib après des études universitaires en France, j’avais décidé à un moment d’effectuer le stage d’avocat dans le cabinet ouvert par mon père à Lkhmiçaate (Khemisset) à la fin de son parcours de magistrat.
J’ai voulu peut-être « rattraper le temps perdu », essayer de construire ce qui n’a pas été construit.
[26] Un moment où il était présent.
[27] Qu’Allaah le guide et le sorte des ténèbres à la Lumière.
[28] Il a eu l’autorisation de quitter l’hôpital qu’il a réintégré le lendemain dimanche pour enfin sortir le lundi en évitant de me revoir.
Lorsqu’il est arrivé du Mghrib, j’ai voulu peut-être « rattraper le temps perdu », essayer de construire ce qui n’a pas été construit.
Je pensais qu’il n’était pas trop tard.
Se reporter à mon texte intitulé « Il n’est pas trop tard ».
Il m’arrive encore de ne pas admettre que l’état plus qu’en lambeaux de la « famille » ne permet peut-être pas de construire.
Qu’Allaah me guide et me sorte des ténèbres à la Lumière.
[29] Qui a pu garder l’appartement où elle logeait avec sa tante (la sœur aînée de ma belle-mère) dont l’existence ici-bas s’est achevée le mardi 26 février 2002.
[30] Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/

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