vendredi 13 août 2010

SANGLOTS



Depuis de nombreuses années, je me rends en Italie[1] chaque fois que je le peux.
Avec mon épouse,[2] nous retrouvons sa cousine,[3] le mari de cette dernière et leur fille,[4] installés à « Torino ».[5]
Nous retrouvions aussi la « nonna »[6] dont l’existence ici-bas s’est achevée il n’y a pas très longtemps.
L’accueil est toujours chaleureux.
Cette année, nous avons quitté Paris le matin en train.[7]
Nous avons attendu de dépasser Chambéry,[8] pour échanger quelques mots en anglais avec le couple australien en face de nous dans les quatre places en vis-à-vis.
Pendant le voyage, j’ai essayé plusieurs fois en vain de me lancer dans la lecture d’un livre.[9] J’ai alors décidé de ne plus y toucher.
C’est pourtant un livre d’un écrivain qu’il m’était arrivé de lire avec un certain intérêt.[10]
L’Australienne[11] lisait « House ruler » de Jodi Picoult.
Son compagnon lisait « On, off » de Colleen Mc Cullough.[12]
Mon épouse a abandonné la « Luxueuse austérité »[13] pour regarder des quotidiens de la presse d’Italie, laissés dans le train qui venait de ce pays et qui a été vidé de ses voyageurs afin que nous le prenions, pendant qu’eux prenaient celui où nous étions qui retournait à Paris : Avec la S.N.C.F. « c’est possible » !
Ces quotidiens, « Il Giornale »[14] et « La Stampa »[15] traitaient en première page de la « crise politique ».
« La Stampa » titrait en gros :
« Pdl,[16] Berlusconi[17] caccia[18] Fini ».[19]
En fait, Silvio Berlusconi voulait tout simplement retirer à Franco Fini le fauteuil qu’il lui avait accordé auparavant pour présider la Première Chambre au Parlement
C’est dire qu’en « démocratie », les « représentants du peuple », de « droite », du « centre » et de « gauche », « élus » par le « peuple », « veillent » sur les « intérêts du peuple ».[20]
Alors pourquoi étaler des « états d’âme » d’« alliés » pour le partage des fauteuils des diverses Institutions ?
Ce que veut le « peuple », c’est bander sur un énième cul d’une « escort-girl »[21] ou autre femelle que le chef du Gouvernement, en dépit de son âge,[22] ne cesse d’« honorer ».[23]
Le train roulait toujours.
J’ai regardé longuement le ciel et quelques nuages qui semblaient vouloir caresser la dense végétation couvrant la montagne.
De l’eau courrait dans le sens opposé de notre destination.
« Contrôle papiers ».
Je n’ai pas été surpris par l’intrusion de deux minettes et d’un minet de la police des frontières.
Comme tout le monde le sait, le contrôle aux frontières des pays de l’Union Européenne « n’existe plus » puisque les frontières « n’existent plus ».
Le contrôle est cependant effectué pour débusquer des « clandestins » et des « clandestines »,[24] susceptibles d’êtres des « terroristes », c'est-à-dire des « islamistes ».[25]
Après un long tunnel, le train a marqué un arrêt à Bardonecchia[26] en Italie.
La montagne était dénudée par endroits, mais pas trop.
Des bâtiments en ruines d’une ancienne ferme m’ont plongé dans des pensées sur notre parcours ici-bas et sur notre départ pour l’au-delà.
À « Torino », la cousine de mon épouse nous attendait à la gare « Porta[27] Susa[28] ».
Le train avait quarante cinq minutes de retard.[29]
Le déjeuner était le bienvenu.
En présence de Camilla,[30] nous l’avons pris avec la cousine de mon épouse, son mari et une dame[31] originaire de Roumanie qui avait pratiquement achevé les taches ménagères qu’elle avait à effectuer dans l’appartement.
Nous avons vu la fille de la cousine de mon épouse et de son mari qui est passée après le repas.
En fin d’après-midi, nous avons pris la route pour « Santa Maria[32] Maggiore ».
La voiture a tellement été utilisée sur ce trajet que le mari de la cousine de mon épouse blague à peine en disant qu’il pourrait s’endormir au volant et que le véhicule continuerait sans problème.
Au bout d’un moment, nous avons eu quelques vues du « Lago Maggiore »,[33] ainsi que quelques images furtives du fleuve « Toce »[34] et de sa fabuleuse couleur verte.
Nous avons laissé « Villadossola » et « Domodossola » sur notre droite et avons continué l’ascension.
Nous avons retrouvé « Toce » presque à sec.
Soubhaane Moubaddil al-a-hwaal.[35]
Le soleil du soir et le ciel bleu donnaient au paysage une clarté qui paraissait être celle d’un début de matinée.
Le voyage n’a pas trop duré[36] et nous n’étions pas fatigués en arrivant à la maison.
C’est une maison que nous avons découverte huit ans auparavant.
La « nonna »[37] était encore de ce monde et allait sur les quatre vingt dix ans je crois.
Elle était venue avec nous de « Torino ».
Je n’ai pas voulu qu’elle nous accompagne pour marcher en forêt et j’ai demandé à mon épouse de lui dire en italien qu’en raison de son âge, elle ne pouvait plus s’adonner à ce genre d’activité.
Elle m’en a beaucoup voulu pour cet « affront ».[38]
La maison[39] date, paraît-il, de 1697.
Une partie du premier étage,[40] régulièrement entretenue a été entièrement et magnifiquement rénovée par les soins du mari de la cousine de mon épouse.
La finesse de l’agencement, comme c’est le cas dans pratiquement tous les logements des Italiens, dénote d’un ancien et grand savoir-faire des populations dans ce domaine.
Chaque semaine, du vendredi soir au dimanche soir, Camilla peut retrouver Calimero,[41] un chat du voisinage, appelé « Sbirulino »[42] par la cousine de mon épouse et son mari.
Camilla le retrouve en effet, mais sans plus.
Elle met une certaine distance.
Lui ne se décourage pas et veut faire de son mieux pour apporter sa contribution au couple dans la marche des chats.
Le fait que Camilla soit à « Torino » du lundi au vendredi le fait réfléchir, mais ne l’incite pas à laisser tomber.
Ce qui le déroute par contre, c’est qu’il ne comprend pas ce que cherchent certaines chattes.
Il enrage même intérieurement de voir Camilla, qui n’est plus de toute jeunesse, continuer à être préoccupée par son ego.
En fait, Calimero n’arrive pas à se faire une idée claire sur ce qu’elle est au juste.[43]
Il souligne[44] qu’avec elle, tout ce qu’il dit « tombe dans l’oreille d’un sourd » comme le précisent des humains[45] en France dont il connaît au moins un.
Pendant ce temps, Camilla préfère être taquinée par le mari de la cousine de mon épouse.
Il l’appelle « pelliccioni »[46] ou « pelliccioto »[47] et la caresse dans le sens du poil.
C’est ce que cherchent certaines chattes.
Et c’est ce que Calimero ne comprend pas.
En regardant par l’une des fenêtres du salon, ma vue a retrouvé les pierres grises des toitures de maisons anciennes, le clocher[48] de l’église du douzième siècle bâtie, paraît –il, sur un ancien temple de druides,[49] puis a rejoint les arbres qui couvrent la montagnes d’une parure d’un vert de tous les tons sous le magnifique bleu du ciel.
Le soir, dans un restaurant à la sortie d’un village, la nuit a habillé cette montagne d’un noir que les éclairages des villes tentent de faire oublier.
J’avais faim.
L’assiette de « gnocchi »[50] au « gorgonzola »[51] était « buonissima ».[52]
Alhamdou lillah.[53]
De retour au bercail, je n’ai pas tardé à aller au lit.
Restée au salon, mon épouse attendait que je dorme.
Les jours suivants, lors de marches en forêt, nous avons eu du soleil, des nuages, de la pluie, des paysages splendides, des vues sur des parties des Alpes avec de la neige, du temps pour nous asseoir sur un rocher et écouter le torrent nous rappeler qu’Allah a fait de l’eau toute chose vivante.
S’abreuver à la Source.
Souhaiter la Parure de la Piété.
Espérer une belle part de la Moisson de la Route de la Foi.
Remercier Allah pour Ses Bienfaits.[54]
L’invoquer pour qu’Il nous Pardonne et nous couvre de Sa Miséricorde[55].
Avant de repartir pour la France, nous avons retrouvé « Torino ».
À peine arrivés, nous nous sommes rendus dans des coins visités plusieurs fois déjà.
La « Via Garibaldi »[56] toute droite va jusqu’à la« Piazza Castello ».[57]
Une grande place dégagée, aérée et baignée avec d’autres endroits par la « fraîcheur »[58] du fleuve[59] qui passe par la ville.
Sur la droite, en arrivant à cette place, de nouvelles et très agréables arcades comme il y en a tant ici, conduisent à la « galleria subalpina » qui fait penser à une galerie de « Milano »[60] et encore plus à celle de « Den Haag ».[61]
Verrière, marbre, boutiques, café-restaurant, plantes, théâtre et même cinéma.
L’étage du milieu sur les trois qui composent cette galerie dispose d’un beau balcon qui en fait le tour.
La galerie débouche sur la « Piazza Carlo Alberto » avec sur la droite le « museo nazionale del risorgimento italiano »,[62] faisant face à la « biblioteca nazionale »[63] et sur « Via Cesare Battisti », « Via Carlo Alberto »…
Sur la Place Carlo Alberto, des enfants jouaient.
En courant, l’un d’eux a chuté.
Sa mère s’était précipité et l’avait prise dans ses bras.
Comment apaiser les sanglots qui le secouaient ?
Sa sœur qui le caressait se posait peut-être cette question.
Un homme marchait.
Il avait l’air « ailleurs ».
Allait-il vers la rue Carlo Alberto où il logeait ?[64]
Se remémorait-il ?
Il faisait froid.
Il était encore enfant[65] lorsque son père a rejoint l’au-delà.
Il a vécu avec sa mère et sa sœur.
Très jeune, il enseignait à l’université.
Loin de sa mère et de sa sœur.
Pour des raisons dites de « santé », il n’a pas continué cette activité longtemps.
Il fallait partir.[66]
Dans sa marche, il se dirigeait vers un cheval.
Le cheval d’un fiacre, rossé par un cocher.
Arrivé à sa hauteur, il a enlacé son encolure.
Un peu comme s’il voulait le prendre dans ses bras pour l’apaiser.
Puis il a éclaté en sanglots et s’est écroulé.
Il venait d’être foudroyé par la « folie », avait-on dit.
Cet homme s’appelait Friedrich Nietzsche.[67]


BOUAZZA


[1] Se reporter à mon texte intitulé « Primavera… ».
[2] Et au début avec nos deux fils aussi.
Depuis un certain temps déjà, ils s’y rendent toujours mais sans nous.
[3] La fille de l’un de ses oncles paternels.
[4] Lorsque je l’ai vu pour la première fois, c’était en août 1982 (selon le calendrier dit Grégorien), elle avait dix ans je crois.
Mon premier fils avait sept ans et quelques mois, le deuxième quatre ans moins quelques semaines.
Nous avions quitté le Maroc l'été d'avant (se reporter à mon texte intitulé « Évasion »).
Il faisait chaud à « Torino » et la fille de la cousine de mon épouse était très contente de nous faire « granita », une glace pilée et aromatisée et de nous apprendre à en faire.
Lorsque je pense à elle, je pense souvent à son rafraîchissant.
[5] Le « r » roulé, « petit taureau », Turin.
[6] La grand-mère, la mère du mari de la cousine de mon épouse.
[7] Nous avons programmé d’être de retour pour le début du mois de ramadane ine cha Allaah (si Dieu veut).
Nous sommes revenus la veille du premier jour du mois de ramadane 1431 (le premier jour de ce mois de jeûne correspond au mercredi 11 août 2010).
Se reporter à mes textes intitulés « Le jeûne » et « Ramadane ».
[8] Dans le département de Savoie (73).
Le train était un « direct » Paris-Turin.
En achetant les billets, les voyageurs n’étaient pas informés que ce ne serait pas un direct.
La S.N.C.F. avec qui « c’est possible » a annoncé à l’approche de Chambéry qu’il fallait changer de train à cette ville.
« C’est possible » était un slogan publicitaire pour vanter les « performances » de la Société Nationale des Chemins de Fer, un « Service Public ».
[9] Amine Maalouf, Le périple de Baldassare, Paris, éditions Grasset et Pasquelle, 2000.
[10] Je pense par exemple à Léon l’Africain, Paris, éditions Jean Claude Lattès, 1986.
[11] L’Australie est un pays bâti sur le génocide des populations dites « les Aborigènes » et sur les massacres d’autres populations, comme les USA (United States of America) sont bâtis sur le génocide des populations appelées « les Indiens », sur l’esclavage et sur les massacres de nombreuses populations à travers le monde, massacres qui continuent et qui sont loin de s’arrêter.
[12] Je ne connais rien des écrits que lisaient nos compagnons de voyage australiens, ni de leurs écrivains.
[13] Marie Rouanet, Paris, éditions Albin Michel, 2006.
[14] Le journal.
[15] La presse.
[16] Parti du peuple de la liberté, organisation politique de Silvio Berlusconi, président du Conseil (chef du Gouvernement) en Italie.
[17] Berlousconi.
[18] Catchia.
[19] Pdl, Belusconi chasse Fini.
[20] Lorsque ce n’est pas la « démocratie », le « peuple » n’a pas besoin de se « fatiguer » pour « élire » ses « représentants » et ceux-ci, n’ont pas besoin que le « peuple » vote pour les « élire ».
Ils connaissent les « intérêts » du « peuple » et « veillent » sur eux.
[21] Une pute.
[22] Il a plus de soixante treize ans.
[23] Il y a des baiseurs « populaires » dans tous les Gouvernements, mais les idolâtres d’« Il cavaliere » soutiennent que c’est lui qui encule le mieux.
[24] Hommes et femmes sans papiers de séjour et de travail qui séjournent et travaillent dans des pays qui leur refusent des papiers de séjour et de travail.
Ces « clandestins » et ces « clandestines », susceptibles d’être des « terroristes », c'est-à-dire des « islamistes », peuvent être arrêtés, jetés dans des centres de rétention, condamnés, emprisonnés, maltraités, expulsés, éliminés.
[25] Des médias « spécialisés » se chargent, avec conne-viction, de donner les « explications nécessaires ».
Se reporter à mon texte intitulé « Au long de la route ».
[26] Bardonekkia.
[27] Le « r » roulé.
[28] Sousa.
[29] Parce que le train n’était pas un « direct » et que l’information n’est jamais communiquée au moment de la réservation.
Avec la S.N.C.F. « c’est possible ».
[30] La chatte.
[31] Que nous connaissons.
[32] Mariame (le « r » roulé) qu’Allaah la bénisse.
[33] Lac Majeur.
[34] Totché.
[35] Gloire à Celui qui modifie les états.
[36] Contrairement au retour que nous avons effectué en train et qui nous a pris toute la journée pratiquement.
[37] Elle était veuve depuis plusieurs années.
[38] Comment je pouvais me permettre, moi, de lui dire, à elle, l’enfant du pays, qui a toujours connu cette forêt, ce qu’elle avait à faire ?
Ne parlant pas l’italien, je ne pouvais pas lui exprimer le fond de ma pensée. Cela ne signifie pas que lorsque j’arrive à exprimer le fond de ma pensée, le résultat soit satisfaisant.
[39] Composée d’un rez-de-chaussée et de deux étages.
[40] La partie occupée par la cousine de mon épouse et son mari.
[41] Le « r » roulé.
[42] Sbiroulino (le « r » roulé), petit sbire, celui qui fait des coups.
Sbire en français désigne quelqu’un qui se charge des basses besognes.
[43] Des humains ont aussi ce genre de problème.
[44] Allaah dans sourate « Annaml » par exemple, nous éclaire sur certaines capacités des animaux.
Alqoraane (Le Coran), sourate 27 (chapitre 27), Annaml, Les Fourmis.
[45] Ces humains précisent aussi qu’« il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
[46] Pellichioni, celle qui a une grande fourrure.
[47] Pellichioto, celle qui a une petite fourrure.
[48] Qui fait penser à un style « Russe ».
[49] Prêtres Gaulois ou Celtes.
[50] Niokki.
Sorte de petites pâtes préparées à partir d’un mélange de farine et de pommes de terre (cuites à l’eau et écrasées comme pour une purée).
Le père de mon épouse était très doué pour les faire.
[51] Nom d’un fromage
[52] Très bonne.
Même si ma commande de départ n’a pas été respectée.
J’ai demandé pour commencer des « gnocchi » aux pommes de terre et « on » m’a servi, sans me le dire, des « gnocchi » aux châtaignes.
J’ai préféré ne rien dire et faire le « touriste » qui ne s’est rendu compte de rien.
[53] La louange est à Allaah.
[54] Ni’ame.
[55] Rahma (le « r » roulé).
[56] La rue Garibaldi.
[57] Place du château.
Il y a un vieux château en effet, mais il y a aussi le palais royal car « Torino » était une capitale au temps de la monarchie.
[58] Il y a des jours en été où cette « fraîcheur » reste symbolique.
[59] Le Pô qu’il est possible de rejoindre au bout de la « Piazza Vittorio Veneto » en suivant la « via Po ».
Après le pont Vittorio sur le Pô, des constructions sur les hauteurs arborées, ne se lassent pas de contempler la « Piazza ».
[60] Une galerie de Milan que mon épouse, enfant, a vue en compagnie de ses parents.
[61] De la Haye en Hollande, que nous avons vue cette année.
[62] Musée national de « risorgimento » italien.
[63] Bibliothèque nationale.
[64] Le bas de l’immeuble est occupé par un restaurant.
[65] Il avait cinq ans.
[66] Se reporter à mon texte intitulé « Ainsi parlait un Musulman de France né au Maroc », daté de 1992, P. 107 à 119.
[67] Philosophe allemand (15 octobre 1844 -25 août 1900).
L’épisode du cheval à la « Piazza Carlo Alberto » date du 3 janvier 1889.
Nietzsche a passé le restant des jours de son existence ici-bas auprès de sa mère et de sa sœur et n’a plus ni parlé, ni écrit.
Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire