vendredi 10 décembre 2010

KHALTI HADDA



Je ne me souviens pas de son arrivée ni de son départ, mais je me souviens de sa présence.
Avec sa sœur et les enfants dans une grande pièce au fond du jardin, à Lkhmiçaate.[1]
La maison de fonction que nous occupions[2] était dans le « quartier administratif », un peu en retrait par rapport au reste de l’agglomération.[3]
Avant « l’indépendance dans l’interdépendance »,[4] les maisons de ce quartier étaient occupées par des familles de France.
Cette maison était entourée d’un jardin avec des plantes dites géraniums, bougainvillées, mimosa et autres.
Il y avait aussi deux grands palmiers qui donnaient de petites dattes.[5]
Les claquements des becs des cigognes dans les nids sur les toits des habitations continuent-ils ?
Le mari[6] de ma grande sœur aujourd’hui décédée, s’occupait du jardin, et dans la partie derrière la maison, il avait transformé certaines constructions afin d’en faire une étable pour des vaches et aussi une basse-cour.
En face de cette basse cour, se trouvait la buanderie.
Entre la buanderie et le garage, une grande pièce qui donnait sur le jardin, avait aussi une porte qui s’ouvrait sur l’extérieur et qui permettait d’accéder presque immédiatement à un magnifique champ avec de superbes eucalyptus et une fabuleuse piste qu’empruntaient parfois de splendides chevaux.[7]
C’est dans cette grande pièce qu’ils s’étaient installés.[8]
Khalti[9] Hadda avait trois garçons dont le dernier était pris en charge par « la maison de bienfaisance »[10] qui l’avait scolarisé dans le primaire.
Le plus âgé et l’autre faisaient de leur mieux avec leur mère pour s’occuper de la famille.
La sœur[11] de khalti Hadda avait un grand fils qui suivait des cours dans le secondaire je crois et une fille dans le primaire.[12]
Ensemble, ils ne ménageaient pas khalti Hadda et ses fils, que j’ai pu revoir plusieurs fois alors que ma famille était ailleurs et que j’étais resté à Lkhmiçaate.
Je n’ai plus revu Fadma, installée quelque part avec son fils devenu fonctionnaire et sa fille.
Khalti Hadda toujours pleine de dynamisme, accomplissait mille et une choses pour faire face avec ses enfants aux multiples contraintes du quotidien.
Elle était confiante et gardait sa bonne humeur.
En me voyant, elle m’offrait son plus beau sourire en répétant : Amemmi.[13]
Lors de mon retour à Khémisset de 1977 à 1981, j’ai revu ses enfants à de multiples reprises.
Et elle ?
Je suis incapable de répondre à cette question.
« Je me sentais de plus en plus assailli, cerné, encerclé par la perversion, l’avilissement, la fourberie, l’abjection, la corruption, la putréfaction, la trahison.
Je m’étais rendu au champ où, autrefois avec les enfants, nous contemplions le ciel d’une infinie limpidité.
Le champ a été transformé en lotissement de la laideur ».[14]



BOUAZZA



[1] Khémisset.
[2] Un peu avant la rentrée scolaire 1959-1960 je crois, selon le calendrier dit Grégorien.
[3] Se reporter à mes textes intitulés « Enfance », « Le rêve », « Le père de Mjidou » et « Le serviteur du Doux ».
[4] Se reporter à mon texte qui porte ce titre.
[5] Ablouh.
[6] À l’époque il habitait avec ma sœur à la maison.
Ils sont partis lorsqu’ils ont eu leur premier enfant en 1960.
[7] Se reporter à mon texte intitulé « Ainsi pale un Musulman de France né au Maroc », daté de 1992.
[8] Pour quelques mois? Comment mon père a-t-il décidé de leur accorder cette pièce ? Pourquoi sont-ils partis ?
[9] Khaaltii, signifie « tante maternelle ».
En dehors de son usage concernant la filiation, ce terme est également utilisé de manière affectueuse pour s’adresser à certaines femmes en dehors de l’appartenance familiale.
Khaalii, oncle maternel.
[10] Alkhayriyya.
[11] Fadma.
[12] Je n’ai jamais vu les « époux ».
[13] Mon enfant, en Tamazighte (langue berbère).
En l’écrivant, des larmes quittent mes yeux et glissent le long de mes joues : Qu’Allaah fasse qu’elles soient des larmes de Miséricorde !
[14] Mon texte, op.cit, p. 74.
Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/

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